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Appel aux femmes des classes privilégiées

Dans la deuxième page de ce premier numéro de L'Opinion des Femmes, Jeanne Deroin lance un appel aux femmes des classes privilégiées. 

• Elle explique que la bienfaisance ou la charité ne suffisent pas : "Ce n'est plus seulement comme dame de charité ou membre d'une association de secours, que l'on peut remédier efficacement aux souffrances qui accablent la classe la plus nombreuse et la plus utile de la société. Ces moyens qui ont toujours été employés avec zèle, n'ont pas empêché jusqu'à présent la misère publique de s'accroître de plus en plus. [...] Les concerts, les bals, les loteries, les quêtes ne peuvent apporter qu'un soulagement instantané à des misères incessantes et profondes." 

• Puis, elle indique comment les travailleurs pourraient selon elle sortir de la misère : "Il est facile de comprendre que les travailleurs pourraient se passer de secours, s'ils avaient du travail, et s'ils gagnaient assez pour subvenir à tous leurs besoins et à ceux de leurs enfants et de leurs parents malades, âgés ou infirmes [...] "

• Elle propose ensuite une nouvelle organisation du travail dans une société plus égalitaire : "Si l'industrie, appuyée par des banques d'échange et de crédit, avait à fournir quelques millions de vêtements et d'objets de ménage et d'ameublement, et à entretenir constamment les travailleurs et leurs familles de tout ce qui fait le confortable de la vie, la consommation augmenterait dans une proportion telle que toutes les forces actives et intelligentes de tous les membres de la société se trouveraient employées, et que tous seraient convenablement rétribués, puisque tous obtiendraient ce qui serait nécessaire à leurs besoins et aux exigences de leurs professions. [...] "

• Elle s'adresse également aux femmes des classes privilégiées : "Aussi c'est au coeur des femmes que je m'adresse ; c'est aux femmes des classes privilégiées que je viens faire appel, en faveur des classes déshéritées, opprimées et souffrantes. Nous les supplions de s'unir dans un même esprit, de s'associer pour s'occuper de l'organisation du travail, favoriser les associations, les banques d'échange et de crédit, et faire comprendre aux hommes réactionnaires dont elles sont entourées, que les mesures de compression et de violences, si elles étouffent pour un instant les plaintes des opprimés, ne peuvent remédier au mal profond qui mine les bases de l'ordre social." 

• Elle demande donc aux femmes des classes privilégiées d'interférer auprès de leurs maris, en faveur des classes opprimées et de jouer un rôle de conciliation. Ce faisant elle incite les femmes à prendre part aux débats dans la société : "Qu'elles ne s'effraient pas si on les renvoie à leur ménage et à leur famille ; il ne s'agit précisément que d'une question de ménage, de bonne administration et d'économie de toutes les forces vitales de la société."