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30 juin 1944 : le Commissaire de la République suspend l'application de textes de Vichy

A peine la Bataille de Normandie a-t-elle commencé que des questions fondamentales d’ordre politique se posent pour les représentants de la France Libre parvenus dans le Calvados. A Bayeux, le 30 juin 1944, le Commissaire de la République suspend l'application de textes fondamentaux de la législation de Vichy et participe ainsi au rétablissement progressif de la démocratie et de la République en France métropolitaine.

Arrêté n°32 du Commissaire de la République de Rouen, 30 juin 1944, AD14, 726W/112

Le 14 juin 1944, à son arrivée à Bayeux, vers 15h30, le général de Gaulle se rend à la sous-préfecture où il installe François Coulet (1906-1984) en tant que Commissaire Régional de la République de Rouen. Cette mission était déjà confiée à un avocat parisien, Henri Bourdeau de Fontenay (1900-1969) présent en Normandie dès le mois de mai. Mais ce dernier se trouvait dans l’Eure au moment du Débarquement, rendant impossible l’exercice de ses fonctions dans la partie du territoire français libérée par les Alliés.

Au premier plan, on peut observer le général de Gaulle et François Coulet, à sa gauche, entourés de quelques Bayeusains. Au second plan, se trouve une estrade, sur laquelle Maurice Schuman s'exprime devant un micro.
François Coulet (en habits civils) aux côtés du général de Gaulle et de Maurice Schumann à Bayeux, le 14 juin 1944. AD14, 2Fi/389

Le nouveau Commissaire peut mettre à profit une expérience précieuse dans l’accomplissement de sa tâche. Diplomate de formation rallié à la France Libre dès 1940, François Coulet est tour à tour officier d’ordonnance puis chef de cabinet du général de Gaulle entre 1941 et 1942, avant de devenir secrétaire général de la Préfecture d’Ajaccio entre septembre et novembre 1943, au moment de la libération de la Corse. Un décret du 24 novembre 1943 le nomme directeur au Commissariat à l’Intérieur, « chargé de la préparation administrative de la Libération ». Toute la confiance que le Général de Gaulle place dans son futur représentant se manifeste dans un télégramme que le Président du tout nouveau GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) adresse à Alger, le 12 juin : « Si je me rends en France mercredi, comme je le pense, j’emmènerai Coulet et le laisserai sur place, où il se débrouillera ».

L'article du journal reprend in extenso le texte de l'arrêté.
Publication de l'arrêté n°32 dans La Renaissance du Bessin du mardi 4 juillet 1944 (1ere colonne), AD14, 13T/2/32/1/1

L’apparente désinvolture du propos ne saurait masquer l’importance accordée à cette mission. Envisagés dès 1942, les Commissaires Régionaux de la République se trouvent définis par l’ordonnance du 10 janvier 1944 – et non du 30 décembre 1943 - « portant division du territoire de la métropole en commissariats régionaux de la République et création de commissariats régionaux de la République ». Outre les pouvoirs des préfets régionaux de Vichy, les commissaires se voient attribuer des pouvoirs extraordinaires : ils disposent notamment du pouvoir de gracier des condamnés à mort mais aussi de « suspendre l’application de tous textes législatifs ou réglementaires qui se trouveront en fait en vigueur, à charge d’en référer au commissaire à l’intérieur dès que possible » (Titre II, article 4).

Leur action s’inscrit dans une triple volonté d’affirmation du GPRF : celle de la souveraineté française vis-à-vis des autorités politiques et militaires alliées qui envisagent une administration de la France par les Britanniques et les Américains jusqu’à son entière libération [Allied Military Governement of Occupied Territories] ; celle du pouvoir démocratique et républicain de Londres puis d’Alger vis-à-vis de Vichy ; celle de l’ordre et du droit vis-à-vis de mouvements de la Résistance ou de leurs chefs qui tenteraient de s’affranchir durablement de la légalité dans les territoires nouvellement libérés.

Les résistants normands présents dans la tête de pont, comme Guillaume Mercader, ne contestent pas l’autorité du nouveau commissaire. La partie est autrement plus ardue avec les autorités britanniques et américaines mais tourne rapidement à l’avantage des Français. Reste la question de la législation de Vichy, en théorie toujours en vigueur.

C’est à cette question que s’attèle l’Assemblée consultative provisoire d’Alger dans sa séance du 26 juin 1944. Plutôt que d’abroger l’ensemble des lois et des décrets de Vichy, au risque d’engendrer du désordre, l’Assemblée cible certains actes en particulier dont la nullité est constatée (article 3). On retrouve la quasi-totalité de ces actes dans l’arrêté de François Coulet.  La « loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 » ainsi que les « actes constitutionnels » définissent l’organisation des pouvoirs au sein de l’Etat français. Aux yeux des dirigeants de la France Libre, il s’agit d’une « autorité de fait », issue d’un coup d’Etat. Les mesures prises à l’encontre des Juifs et des « Sociétés Secrètes » - c’est-à-dire des loges maçonniques - sont bien évidemment contraires aux valeurs de la République, rappelées dans l’en-tête de l’arrêté. Enfin, le Commissaire de la République suspend l’application des textes qui ont trait aux « juridictions d’exception » dont les sections spéciales, qui constituaient un des rouages de l’appareil répressif du régime. L’une de ces sections siège à Caen entre 1941 et 1944. 

Bien que limitée dans son application à une petite parcelle du territoire métropolitain, l’arrêté du 30 juin 1944 marque une étape importante vers la pleine et entière restauration de la légalité républicaine en France, par une ordonnance du GPRF du 9 août 1944.

Bibliographie

  • Le Rétablissement de la légalité républicaine – 1944, Fondation Charles de Gaulle, Bruxelles, Editions Complexe, 1996, 905 p., BH/8/9127
  • COULET, François, Vertu des temps difficiles, Paris, Plon, 1966, 304 p.
  • FOULON, Charles-Louis, Le pouvoir en province à la Libération : les commissaires de la République (1943-1946), Paris, Armand Colin et Fondation nationale des sciences politiques, 1975, XV-300 p.
  • GAULLE (de), Charles, Lettres, notes et carnets (juin 1943-mai 1945), Paris, Plon, 1983, tome 5, 496 p.
  • LECOUTURIER, Yves, « La section spéciale de Caen (1941-1944) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1980, p. 107-114, 15T/10/140
  • QUELLIEN, Jean, « Le Calvados », in BUTON, Philippe et GUILLON, Jean-Marie, Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994, p. 356-373, BH/8/11193
  • QUELLIEN, Jean, « Les pouvoirs à la Libération dans le département du Calvados », Annales de Normandie, 44e année, n°1, 1994, p. 55-113, sur Persée
  • QUELLIEN, Jean, « Eté 1944 : Bayeux, capitale de la France libérée », Annales de Normandie, 2009, p. 247-267, sur Persée

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