Accueil > Histoire par thèmes > L'Orne, un fleuve aménagé par l'homme > Naviguer de Caen à la mer > Etudes et projets pour canaliser l'Orne (1679-1811)
Etudes et projets pour canaliser l'Orne (1679-1811)
Dès le 16e siècle, les méandres de l'Orne et son ensablement à Caen gênent la navigation et l'accès de la ville à la mer. De nombreux projets seront envisagés tout au long de l'Ancien Régime pour régler ce problème. Même s'ils prennent de l'ampleur grâce à la formation des ingénierus des Ponts à la fin du 18e siècle, ils ne trouveront leur aboutissement concrèt que près de deux siècles plus tard.

1679: projet Vauban
Vauban prend conscience de l'intérêt stratégique de la rade de Coleville-sur-Orne (aujourd'hui Colleville-Montgomery), située près de l'embouchure de l'Orne. Il projette d'en faire un port d'asile, d'y faire déboucher l'Orne puis de redresser le cours d'eau entre Caen et les carrières de Ranville pour favoriser la navigation des bateaux de commerce. Les travaux ne porteront finalement que sur un redressement partiel du fleuve entre les carrières de Ranville et les moulins de Clopée (Mondeville), avant d'être arrêtés en 1683. Ni les problèmes d'ensablement et de faible profondeur, ni l'aspect défensif ne seront solutionnés.

1731-1748: les études, La Londe et Polchet
L’ingénieur La Londe, membre de l’académie des Belles Lettres de Caen, rédige un rapport dans lequel il met en avant les avantages d'un port à Ouistreham pour la navigation sur l’Orne depuis son embouchure jusqu’à Argentan. En 1747, l’ingénieur François Polchet inspecte le cours de l’Orne et vérifie le plan établit par La Londe. La conclusion est "qu’il serait très facile de construire un port à Ouistreham (capable de contenir un bon nombre de navires et canons) et met en avant les échanges qui ont lieu et qui justifie ce port notamment avec la carrière de Ranville". En août 1748, l’amirauté de Ouistreham est rattachée à celle de Caen.
Une nouvelle étude du cours de l’Orne,confiée à un minéralogiste, Duhamel du Monceau, confirme la possibilité d’établir un port à l’embouchure. Il désigne l’endroit dans la fosse de Colleville où doit s’établir une écluse sur le rivage afin de maintenir un bassin à flot pour naviguer dans la rivière.
L’exécution des travaux est encore suspendue, faute de moyens et de résultats satisfaisants.
1748: projet Bourroul et de l'Eglisière
L'ingénieur géographe Bourroul est chargé par les habitants de la ville de Caen, de relever les plans de l'ensemble de la rivière afin de permettre des travaux d'amélioration. Gourdon de l'Eglisière, lieutenant général des armées du roi et directeur général des fortifications de Haute et Basse-Normandie s'appuie sur les plans de Bourroul, propose de détourner le cours du fleuve au nord-ouest avec un canal qui conserverait toujours une certaine profondeur car "il se retrouverait dans le véritable cours des marées et que par ce moyen l'embouchure conduirait dans la fosse de Colleville".
1765: projet Lefèvre
L'ingénieur Lefèvre propose trois aménagements : une nouvelle embouchure de l'Orne dans la baie de Colleville, le redressement complet du fleuve et de nouveaux aménagements portuaires. Il envisage même un temps la liaison de la vallée de l'Orne avec la Loire par la Mayenne ou la Sarthe pour y développer le commerce. Plusieurs travaux sont donc entrepris : un canal est creusé de Clopée jusqu'à Caen puis à partir de 1774, le fleuve est rectifié entre Colombelles et Ranville. On améliore également le canal Saint-Pierre, en creusant dans la prairie de Saint-Gilles et le cours de l'Orne est également corrigé au niveau du pont de Vaucelles. Avec la terre prélevée de ces travaux seront construit les quais Caffarelli et Montalivet. En 1786, peu après le début de la construction des murs des quais du bassin Saint-Pierre, la Révolution vient interrompre les travaux en cours qui resteront inachevés.
1798: projet Cachin
Cachin rédige un mémoire complet sur les problèmes de la navigation et de l’accès à Caen. Il émet une sévère critique des travaux réalisés par son prédécesseur. La navigation reste toujours entravée par des bancs de terre qui glissent des berges mal consolidées vers le lit de la rivière, il y a une disproportion entre le lit de la rivière et le canal qui a été creusé. La rivière n’a plus assez de courant ce qui entraîne le dépôt d’alluvion et son cours se détourne au moindre obstacle.
Pour rendre le port accessible, Cachin préconise d’abandonner le cours naturel de la rivière et de creuser un nouveau canal. Il faut utiliser, pour ce canal, certaines parties de l’ancien cours de l’Orne et donner à la rivière un cours nouveau plus direct. La vallée se trouve ainsi occupée par un canal et une rivière coulant chacun dans un lit aménagé. Cachin envisage un avant-port en face de la fosse de Colleville (dont le niveau d’eau, même par basse-mer est suffisant pour les bateaux) pouvant accueillir des frégates. Il est maintenu à flot, et prolongé, vers le large, par deux digues qui délimitent un chenal.

1804: projet Lescaille, 1811: projet Pattu
Le projet Cachin n’est pas été retenu dans sa totalité. L’ingénieur Lescaille propose une solution plus simple : couper à travers la dune de Ouistreham et construire des digues de chaque côté pour maintenir la rivière dans un axe et faciliter l’écoulement des vases.
Le 25 mai 1811, Napoléon Ier vient à Caen, il visite les bords de l’Orne et l’embouchure. Il ordonne de nouvelles études pour la réalisation d’un canal terminé, côté mer, par des écluses et pour l’achèvement des quais à Caen. En 1813, l’ingénieur Pattu propose une solution moins coûteuse en proposant la réalisation d’un barrage à Bénouville et l’achèvement des quais.
La chute de l’Empire et l’opposition du Conseil Général des Ponts et Chaussées ne permettent pas l’achèvement des travaux. Les financements nécesaires à l'entreprise ne seront trouvés que sous le Second Empire.