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Jean Renaud-Dandicolle
Bordeaux, 1923-1944
Alias capitaine Jean ou capitaine Danby
Fils du consul général du Nicaragua, Jean Renaud-Dandicolle naît à Bordeaux le 8 Novembre 1923 et grandit au château du Grand Puch, propriété de ses parents. Il effectue ses études au lycée Longchamps à Bordeaux (aujourd’hui lycée Montesquieu).
En 1940, il se destine à une carrière d’avocat. Il s’inscrit à l’université de Bordeaux, où il mène conjointement des études de lettres et de droit. Il développe notamment un goût pour l’étude de la littérature rabelaisienne. Mais il ne peut supporter la défaite et l’invasion de la France par les troupes allemandes. Il amorce alors quelques actions de distribution de tracts avec des camarades. Il rejoint ensuite un groupe de résistants nommé « Jade ».
En 1942, il fait partie du réseau d’André Granclément rattaché à l’Organisation Civile et Militaire et rencontre le groupe « Buckmaster » dirigé en Gironde par Jean de Baissac. En juillet 1943, la trahison de Grandclément l’oblige à quitter la région. Dans la nuit du 16 au 17 août, il gagne l’Angleterre à bord d’un avion Lysander avec le commandant Claude de Baissac et sa fille qui avaient également quitté Bordeaux.
Jean Renaud-Dandicolle reçoit en Angleterre pendant plusieurs mois une formation militaire. A Londres, il loge dans un hôtel du quartier de Kensington Gardens. Il semble signer son contrat d’engagement dans l’armée anglaise le 20 septembre 1943. Son identité dans l’armée anglaise est John Danby, matricule 297762. Il est d’abord formé au Nord de Londres dans le centre Brickendonbury Manor du SOE situé dans le comté de Hertsford et spécialisé dans le sabotage de matériel industriel. Puis, il se perfectionne dans l’apprentissage du maniement des armes et la pratique des démolitions en Ecosse dans l’Ouest du comté d’Inverness au sud du village de Morar où le SOE disposait de trois lieux d’hébergement.
Il est parachuté en Corrèze le 28 janvier 1944 dans un maquis probablement au cours d’un parachutage de matériel puisque les personnes présentes lors de son atterrissage n’avaient pas été mises au courant de sa venue. Jean Renaud-Dandicolle a alors des papiers au nom de Jean-Marie Demirmont mais également de Jean Larrue. Son nom de code est « Verger », parfois aussi « René » mais il sera surtout connu sous le nom de « Capitaine Jean » ou « Capitaine Danby ». Il convient ici de préciser le fait que, s’il est officiellement nommé depuis son parachutage Lieutenant, il ne devient Capitaine qu’à partir du 1er juillet 1944. Agissant toujours sous les ordres du commandant de Baissac, il reçoit la mission de Maurice Horvais, responsable adjoint du mouvement résistance PTT à Paris de se rapprocher d’Henry Le Veillé qui se trouve à Caen afin d’organiser des parachutages d’armes pour les groupes de l’OCM dans le Calvados et PTT dans la Manche et de mettre en place des maquis en prévision du Débarquement.
Il effectue pendant trois mois par le train de nombreux déplacements entre Paris, la Mayenne et le Calvados à partir de février 1944 où, conduit par Henri Leveillé à la maternité de Bénouville, il entre en contact avec les forces de résistance locales. Cette maternité, dirigée par Léa Vion dite « la comtesse » met en contact Jean Renaud-Dandicolle avec André Le Nevez de St-Clair qui se met sous ses ordres. (Les Archives du Calvados conservent notamment un témoignage filmé en 1994 de son fils Robert Le Nevez).
Le 11 novembre 1943, il écrit une lettre avant de partir pour une mission périlleuse adressée à sa famille au cas où il ne les reverrait pas. Un document qui semble a posteriori prémonitoire : « […] Après avoir été battue et occupée, la France a vu dans la Résistance à l’ennemi le seul moyen de sauver son existence et sa grandeur. Pour tout Français l’ayant compris, il ne pouvait plus y avoir de repos. La lutte n’était pas le choix de quelques esprits aventureux, ni l’accomplissement de quelque devoir pour des consciences exceptionnelles, elle était simplement le réflexe naturel. […) Je pense qu’un jour viendra où l’histoire aura le droit de proclamer que la Résistance du peuple français, son refus de collaborer avec l’ennemi, sa farouche résolution contre l’envahisseur, auront été d’un même secours à la victoire que l’effort de guerre de n’importe quel autre peuple allié. Aussi puis-je espérer que vous me pardonnerez la peine que ma mort causerait à chacun de vous, en considération des obligations supérieures de la Patrie. »
En mars 1944, Jean Renaud-Dandicolle coordonne des parachutages sur Vire, Saint-Lô, Condé-sur-Noireau, Vassy, Thury-Harcourt et Bretteville-sur-Laize. Il dirige alors en tant qu’agent du SOE les groupes de Bretteville-sur-Laize, Condé-sur-Noireau, Cesny-Bois-Halbout (affilié à l’OCM depuis 1943 grâce notamment à l’action d’André Le Nevez), Barbery (fondé dès 1941 avec notamment Jean Foucu), Saint-Pierre-sur-Dives, Pont d’Ouilly, Argences et Troarn. Tous ces groupes n’en formeront plus qu’un par l’action de Jean-Renaud Dandicolle : le maquis de Saint-Clair.
Le 2 mai 1944, deux colis d’un parachutage que Jean Renaud-Dandicolle et quelques compagnons devait réceptionner sont perdus du fait de l’imprécision du largage. La Gestapo déclenche des recherches et lance une série d’arrestations. Les interrogatoires réalisés lui apprennent que deux ou trois anglais sont présents dans le secteur. Un dénonciateur lui apprendra même le lieu où ils se situent. Fort heureusement, avec l’aide de quelques soutiens, le groupe parvient à échapper à une arrestation.
En mai 1944, il fait par ailleurs la connaissance d’Henri Lampérière en relation avec André Masseron le chef du groupe de résistance de Bretteville-sur-Laize qui compte une trentaine de membres. Henri Lampérière devient l’adjoint du capitaine Jean lorsque celui-ci prend la tête du maquis de Saint-Clair. Avec sa moto de service, il permet à Jean Renaud-Dandicolle de se déplacer dans le département et de mener à bien sa mission de fédération de groupes de résistance.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, les groupes OCM et CDLR Calvados – Manche avec Jean Renaud-Dandicolle participèrent aux sabotages de voies ferrées entre Caen et Vire : destruction de la ligne Caen-Flers par un groupe de Saint-Clair au lieu-dit « La-Halte-de-Grimbosq ».
La nuit suivante, vers 23h, sous le commandement de Jean Renaud-Dandicolle est menée l’attaque d’une colonne allemande venant de Thury-Harcourt près de l’étang de Meslay mais le groupe doit se dégager devant la risposte ennemie. Mi-juin, Jean Renaud-Dandicolle se replie sur l’ordre du commandement allié sur le Moulin-des-Loges au sud de la route de Falaise-Vire pour en faire une base d’opérations. Lors du retour à Saint-Clair, le groupe essuya un accrochage avec l’ennemi causant la blessure de M. Faucardel soigné par Mademoiselle Sépulchre de Condé, infirmière.
Le 25 juin 1944, Jean Renaud-Dandicolle rencontre Léonard Gille à la mine d’Urville, président du Comité de Libération, André Masseron de Bretteville-sur-Laize et les responsables des secteurs de Saint-Clair. Outre un renforcement de leurs coopérations, il est décidé que des armes seront fournies par le maquis de Saint-Clair à l’Etat-Major de l’OCM de Caen qui était démuni après les arrestations et bombardements. Jean-Renaud Dandicolle se rend même en cette fin juin à Caen au PC de la Résistance.
Le 7 juillet 1944, alors qu’il préparait activement le soutien des résistants à l’opération aéroportée Helmsman voulue par les généraux Bradley et Paton pour en finir avec la bataille du Bocage, il reçoit l’ordre de Londres de se replier sur Bais en Mayenne afin de continuer sa mission en arrière des lignes, coordonner les maquis et renseigner les Alliés sur les mouvements de l’ennemi. Le soir-même, accompagné de son officier radio, le capitaine Maurice Larcher (parachuté en France le 10 février 1944), de Jean Foucu et d’un pilote canadien Harry John Cleary, le capitaine Jean s’installe à la ferme Grosclaude, PC du maquis de Saint-Clair, d’où il dirigeait les opérations sur les arrières des Allemands.
Le 8 juillet au petit matin, alors qu’il s’apprêtait à décrocher vers la Mayenne pour y poursuivre sa mission, deux SS dont un sous-officier font irruption à la ferme. Cette opération apparaît comme préméditée par les SS conjointement avec la Gestapo de Caen repliée à Espins. En descendant du grenier, Jean Renaud-Dandicolle et Jean Foucu les découvrent et sont soumis à un contrôle d’identité. Foucu a dans sa poche une carte d’État-Major. Jean-Renaud Dandicolle allant chercher ses papiers s’arme d’un pistolet à silencieux. Il tire et blesse un allemand qui donne l’alerte et abat un deuxième qui survenait. Les deux hommes ainsi que Cleary et Larcher prennent la fuite. Ces-derniers sont rattrapés à 500 mètres de là au lieu-dit La Boissée et tués sur place. Eugénie et Georges Grosclaude sont quant à eux arrêtés et torturés.
Jean Foucu parvint à s’échapper tandis qu’après près deux kilomètres de poursuite en direction de Pierrefitte-en-Cinglais, Jean Renaud-Dandicolle est rattrapé. Après un bref combat, il est pris. Il est amené la nuit au château de la Milvaudière et aurait été vu par Madame Vauvert le lendemain 9 juillet dans une voiture allemande roulant en direction de Martigny où la Gestapo s’était repliée. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il fut probablement exécuté sommairement.
Henri Lampérière témoigna des circonstances de l‘arrestation qui lui furent rapportées notamment par le sous-lieutenant Jean Foucu, témoin de l’événement, dans une lettre en date du 8 mai 1945 adressée au Chef d’Escadron, commandant le 5ème Bureau de la 3ème Région Militaire à Rouen.
Le nom de Jean Renaud-Dandicolle est inscrit sur le Mémorial de Bayeux. Un monument élevé à la mémoire des cinq victimes du maquis de Saint-Clair se trouve à l'endroit où se produisit le drame du 8 juillet 1944 sur le plateau de Saint-Clair, à Pierrefitte-en-Cinglais. Érigé en 1946 à la suite d'une souscription publique organisée par les anciens résistants regroupés en une Association du Souvenir du Maquis de Saint-Clair, il fut inauguré le 6 juillet 1947 lors d'une cérémonie présidée par le colonel Lejeune, représentant le général Koenig en présence des autorités départementales et en présence des familles Renaud-Dandicolle, Larcher et Grosclaude. C’est à cette occasion que la croix de chevalier de la Légion d'honneur fut remise à Jean Renaud-Dandicolle. Le monument a été construit avec des pierres provenant des ruines de la ferme Grosclaude, avec une croix de Lorraine en granit de Saint-Sever et se situe sur un terrain offert par cette famille.
Bibliographie
- Foot Michael R.D., Crémieux, Jean-Louis, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, PAris, éd. Tallandier, 2011, BH/8/18793
- Montouroy Thierry, Jean Renaud-Dandicolle, 1923-1944 ? : de Bordeaux à Saint-Clair, éd. ThM, 2012, 150 p. (voir aussi une biographie en ligne de Jean Renaud-Dandicolle faite par le même auteur qui n'est autre que le cousin du résistant)
- Quellien Jean, Livre mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados. [Caen], Conseil Général du Calvados, Direction des Archives Départementales, 2004, 240 p. AD14, BH/8/11936
- Lampérière Henri, Histoire du maquis de Saint-Clair, éd. Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1982, 38 p., AD14, BH/BR/19927
- Fournier, Gérard, La Résistance en Suisse normande : Le maquis de Saint-Clair (1940-1944), éd. C. Corlet, Condé-sur-Noireau, 2012, 333 p, AD14, BH/8/16451
- Article sur Jean Renaud-Dandicolle sur le Maitron des fusillés
- Passeurs de Mémoire, collège public de Courdimanche, Val d’Oise, 1997, 173 p.
- Article de bordeaux-gazette.com précisant notamment des éléments sur la jeunesse de Jean Renaud-Dandicolle
Sources d’archives
Archives du Calvados
- 59J : Archives de Jacques Vico, voir notamment : 59J/206 : pour l'association Résistance et Mémoire dont un dossier complet sur Jean Renaud-Dandicolle contenant des éléments échangés avec le cousin de ce-dernier Thierry Montouroy auteur d'un livre à son sujet (cf. bibliographie) et 59J/179 : archives de Jacques Vico: notes, procès-verbaux de réunion, articles de presse, correspondance (1969-1977)
- 2AV/28, témoignage audiovisuel de Jacques Vico aux Archives du Calvados recueilli le mardi 23 novembre 1993
- 2AV/43, témoignage audiovisuel de Robert Le Nevez recueilli le mardi 18 janvier 1994
- 2AV/44, témoignage audiovisuel d'André Héricy, Georges Bernier, Philippe Durel, Rémi Lemoine et Robert Le Nevez recueilli le mercredi 19 janvier 1994
- Fonds Henri Lampérière, 6J/10-6J/12
Service historique de la Défense
- Vincennes : GR 16P 505454, dossier individuel de résistant et GR 28P 11 98, dossier individuel d'agent de la France Combattante
National Archives of Great-Britain in Kew
- HS9/391, dossier au sujet de Jean Renaud-Dandicolle