Gaëtane Bouffay
Drucourt (27), 1906 - Lisieux, 1988
Originaire de l'Eure, Gaëtane Bouffay tient une mercerie à Saint-Désir-de-Lisieux, 16 rue Gustave David, au début de la guerre. Elle est également prédicatrice laïque de la communauté protestante de Lisieux. C'est une proche du pasteur Henri Orange, arrivé à Lisieux en octobre 1938, et président de la section levoxienne de la Résistance Universelle pour la Paix.
Dans le courant de 1941, le réseau Famille-Interallié s'implante en Basse-Normandie, par l'intermédiaire de Raoul Kiffer dit Kiki ou Raoul. C'est à Lisieux que se constitue le groupe le plus important, sous la férule du docteur Paul Hautechaud de Fervaques qui convainct le pasteur Orange de rejoindre la Résistance. Le pasteur Orange va à son tour recruter plusieurs de ses paroissiens dont Gaëtane Bouffay en janvier 1942.
Ce que le groupe ignore, c'est que Raoul Kiffer est arrêté à Cherbourg en novembre 1941 et "retourné" par Hugo Bleicher agent de l'Abwehr. Quelques jours plus tard, le réseau Famille-Interallié est démantelé. Si plusieurs arrestations ont lieu dans la Manche et le Calvados, notamment à Lion-sur-Mer, le groupe de Lisieux n'est pas inquiété. Il s'agit en effet pour Hugo Bleicher d'infiltrer le groupe lexovien par l'intermédiaire de Raoul Kiffer devenu agent double. Ce dernier est libéré et reprend contact avec Paul Hautechaud et ses compagnons qui, entretemps, ont rejoint le réseau Jean-Marie (Buckmaster). Ce même réseau noyauté par l'Abwehr, porte le nom de Lysiana pour les Allemands. De 1942 à 1943, le réseau Jean-Marie se développe dans tout l'est du Calvados.
Au sein du réseau, la mercerie de Gaëtane Bouffay sert de boite aux lettres et de lieu de rendez-vous. Outre la collecte de renseignements et le rôle d'agent de liaison, Gaëtane Bouffay participe à l'hébergement des aviateurs alliés, des réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) et aux résistants en cavale comme c'est le cas pour René Capron et Henri Dobert à la suite de l'attentat contre Louis Laplanche. En juin 1943, le docteur Hautechaud lui confie la responsabilité du réseau pour le pays d'Auge en remplacement d'Hugo Bloch. Elle réorganise le réseau en vue du Débarquement annoncé par Raoul pour le mois d'octobre...
A la suite de deux attentats manqués : l'un contre l'usine de dynamite Nobel à Ablon et l'autre contre Louis Laplanche, chef cantonal du Rassemblement national populaire, le 4 septembre 1943, la Gestapo lance une vaste opération d'arrestations dans le Pays d'Auge. Début octobre, le réseau Jean-Marie au niveau du Calvados est démantelé. Gaëtane Bouffay est arrêtée le 6 octobre 1943. Torturée, elle parvient à ne pas parler.
Elle est incarcérée à la prison de Caen jusqu'au 24 janvier 1944 date à laquelle elle est transférée au camp de Compiègne-Royallieu. Le 4 février, elle est déportée à Ravensbrück puis vers les Kommandos extérieurs de Buchenwald, Leipzig-Hasag et, en dernier lieu, Schlieben. Elle est libérée le 21 avril 1945. Rentrée à Lisieux, elle n'aura de cesse d'aider les familles de déportés et fusillés et de témoigner de l'action de la Résistance.
Bibliographie
- Bonnet Marie-Jo, Un réseau normand sacrifié, le réseau Jean-Marie Buckmaster du SOE britannique, Rennes, Ed. Ouest-France, 2016, AD14, BH/8/17732
- Fournier Gérard, notice "Gaëtane Bouffay", in Association Résistance et Mémoire, La Résistance dans le Calvados, cédérom éd. AERI, 2004
- Genet-Rouffiac Nathalie et Longuet Stéphane dir., Les réseaux de résistance de la France combattante, Service historique de la défense – Editions ECONOMICA, Vincennes, 2013, AD14, BH/4/5046
- Marchand Thierry, Gaëtane Bouffay (1906-1988), Une combattante sans uniforme, éd. La Cause, 2021, 306 p.
- Quellien Jean (sous la dir.), Livre mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados, CRHQ, Caen, Archives du Calvados, 2004, AD14, BH/8/11936 et BH/8/ 17933
- Quellien Jean, Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l'occupation Allemande (1940-1944), Caen, Presses universitaires de Caen, 2001, AD14, BH/8/11055.
Sources d'archives
Archives du Calvados
- Archives de G. Bouffay, fiches de résistants, correspondance, archives de l'Amicale du Réseau Jean-Marie, notes préparatoire au livret Visages Lexoviens, 1946-1988, 6J/14
- Archives de G. Bouffay, 6J/44-50 (notamment rapport de Jean Mirey sur son activité dans le groupe de résistance Interallié section française de l'I. S., 14 décembre 1945)
- Archives de Lucien Levillain, membre du réseau Jean-Marie, 146J/1-146J/45 (dont photographies de G. Bouffay, 1945, 146J/6)
- Carte de déporté résistant, 1951, 2936W/46
- Dossier de demande de carte du combattant volontaire de la résistance, 1101W/226
- Fiche sur l'arrestation de G. Bouffay, 7 octobre 1943, 1166W/25
- Témoignages audiovisuels de Lucien Levillain, membre du réseau Jean-Marie, enregistrés en 1995 et 1996, 2AV/129-2AV/131, 2AV/136
Service historique de la Défense
- DAVCC/Caen : dossier individuel de déporté et interné résistant, AC 21P 625542
- Vincennes : dossier individuel de résistant, GR 16P 78302; dossier individuel d'agent de la France combattante, GR 28P 4 379/24 et dossier du réseau Jean-Marie (Buckmaster), GR 17P 27
Archives nationales
- Archives du Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale : lettre de Michel de Boüard sur le réseau Jean-Marie, accompagnée d'une fiche de synthèse, 1960, 72AJ/39 (dossier n° 1)
Fondation pour la mémoire de la déportation/Antenne de Caen
- Tenue de déportée de G. Bouffay et objets fabriqués dans les camps de concentration