Jacques Vico
1923 - 2012
Alias Joseph Vitran

Jacques Vico est né à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe le 16 avril 1923. Ses parents étaient exploitants agricoles à l'Abbaye d'Ardenne. Jacques Vico vit avec ses parents au sein même de l'abbaye. Son père, maire de la commune exerce la profession d’agent d’assurances à Caen. En 1940, il est membre des Scouts de France et de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), et fréquente le Foyer des Jeunes, lieu de réunion des mouvements de jeunesse défavorables à l'Occupation, situé près de la caserne du 43ème régiment d'artillerie à Caen.
Choqué par la débâcle de l’armée française, Jacques Vico quitte le domicile famillial le 17 juin 1940 avec ses frères Francis et Jean-Marie. Il avait de fait entendu qu’un réduit pourrait se constituer en Bretagne et que les jeunes hommes susceptibles de porter les armes devaient s’y rendre. Mais les troupes allemandes sont plus rapides. Jacques Vico entend alors l’Appel du Général de Gaulle et décide d’agir.
Dès son retour, il prend contact avec les associations de jeunes catholiques (JOC, JEC, JAC). Des réunions avaient déjà eu lieu pour apporter une aide aux réfugiés en liaison avec la Croix-Rouge. Un secours alimentaire est notamment apporté aux nombreux prisonniers internés dans la caserne du 43ème régiment d’artillerie. Très rapidement, le groupe s’ouvre, notamment à des mouvements laïques. Une Maison des Jeunes est créée. A l’occasion de ces rencontres, un groupe restreint de Résistance se forme rassemblant des jeunes comme Raymond Simon, responsable du patronage Saint-Julien et Hélène Prunier.
Sans le savoir, ce noyau appartient au groupe Robert à partir de juillet 1940, crée par Robert Guédon, qui devient en 1941 le réseau Hector. Jacques Vico fait de la propagande en distribuant des tracts et des journaux clandestins comme Les Petites Ailes de France dont une page régionale est tapée sur stencil par Hélène Prunier et agrémentée de dessins d’André Michel. Mais le réseau Hector est démantelé à l’automne 1941.
Jacques Vico décide alors de rejoindre la zone Sud pour s’engager dans un régiment de cavalerie de l’armée d’Armistice et ainsi acquérir une formation militaire. En novembre 1942, cette armée est dissoute et Jacques Vico rentre à Caen. Il reprend contact avec la Résistance par le biais du colonel Robert Kaskoreff et intègre les rangs de Ceux de la Résistance, puis de l’OCM après la fusion. Jacques Vico assure de nombreuses missions de liaison.
Il décide en outre de participer à la création d’un dépôt d’armes à l’abbaye d’Ardenne avec Emmanuel Robineau, responsable du Bureau des opérations aériennes. Des séances d’instruction sont régulièrement organisées le mardi après-midi à l’abbaye dans des pièces voutées de la ferme en vue d’apprendre l’utilisation, l’entretien et le démontage de différents explosifs et d’armes telles que des mitraillettes ou revolvers. Ces séances sont animées par Emmanuel Robineau, Robert Castel et Jacques Vico lui-même au profit des responsables de l’OCM du Calvados. Robert Kaskoreff, Robert Delente, Jacques Berjot ou encore le docteur Sustendal y participent.
Le père de Jacques Vico, Roland, est également membre de la Résistance mais ignore tout de l’activité de son fils. Roland Vico profitait en effet de ses fonctions de maire de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe pour fabriquer des faux-papiers pour les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) ou des juifs victimes de persécutions pour lesquels il obtient également d’un prêtre de faux certificats de baptême. Il faisait partie du réseau Centurie.
L’arrestation de Roland Vico, trahi par un ami cafetier de Caen le 16 décembre 1943, incite Jacques Vico à déménager les armes par précaution. Le lendemain, la Gestapo perquisition l’abbaye. Jacques Vico prévient Robert Kaskoreff et quitte le département alors que sa mère Francine est arrêtée le 23 décembre et qu’une rafle de vaste ampleur s’abat sur l’OCM (avec notamment les arrestations d’Emmanuel Robineau à Caen le 15 décembre 1943 et de Pierre Bouchard le 16 décembre). Il gagne la Sarthe puis l’Eure-et-Loir.

Dès l’annonce du Débarquement, Jacques Vico revient sur Caen et prend contact avec Léonard Gille. Il assure alors différentes missions de liaison vers Cahagnes, Caumont-l’Eventé et Brémoy. De retour à Caen le 22 juin, il aide à dévaliser un dépôt d’armes allemand à la gare Saint-Martin avant de mener une autre mission à l’Est de Caen en compagnie de son frère Jean-Marie, de Janine Gille et de Jacqueline Leduc. De retour à Caen le 18 juillet, il participe avec la compagnie Scamaroni à la libération définitive de Caen.
Le 8 août 1944, avec une trentaine de camarades, il rejoint les rangs de la 2ème Division Blindée et participe à son action victorieuse jusqu’au cœur de l’Allemagne. Il participe au grand défilé de la victoire du 18 juin 1945 à Paris.
Roland Vico, son père, qui avait été déporté à Mathausen suite à son arrestation le 16 décembre 1943 et avait ensuite été dans le Kommando de Linz fut libéré par les Alliés au début du mois de mai 1945.
Après la Guerre, Jacques Vico prend la tête de la Coopérative Nationale de Reconstruction et de Reconstitution des Boulangers Sinistrés. Il dirigera également l'Assedic Basse-Normandie pendant 29 ans et participera à la fondation du réseau des Maisons des Jeunes et de la Culture.
Le résistant Jacques Vico devient en parallèle un véritable Passeur de Mémoire. Son œuvre de transmission est un héritage essentiel. Jacques Vico devient après la guerre Président de l’Union Départementale des Combattants Volontaires de la Résistance et de la Déportation du Calvados créée en 1952 sous l’égide de Léonard Gille. Le siège social de cette association de loi 1901 était basé à l’abbaye d’Ardenne, domicile de Jacques Vico. Il devint même Vice-Président National de cette institution jusqu'en 2005. Il présida également l’Association Résistance et Mémoire constituée en 1998 en vue de transmettre le flambeau aux générations futures.
D'autre part, à partir de 1989, Jacques Vico a commencé à travailler avec le Mémorial de Caen qui, à l’époque, se dénommait « le Musée mémorial de la bataille de Normandie – Musée pour la Paix ». Jacques Vico faisait partie du Conseil d’Administration qui comptait deux administrateurs issue de la Résistance, et participait donc au projet d’élaboration muséographique. Tout de suite, il a été recherché à associer cette nouvelle structure à la préparation du Concours national de la Résistance et de la Déportation pour lequel il organisa dans les années 1990 des forums au Mémorial de Caen. C'était selon lui le "meilleur support de transmission d'une mémoire active." Ainsi, à partir de 1993, sur le même principe a été organisé : un forum à Vire qui a réuni 440 élèves, à Lisieux avec 220 élèves présents et à Caen où ont été rassemblées 800 personnes dans l’amphithéâtre principal de l’Université.
Son Jacques Vico est décèdé en 2012 à l'âge de 89 ans. A la suite de son décès, Madame Gabrielle Vico et les ayants-droit de Jacques Vico ont fait don aux Archives du Calvados de ses archives. Ce fonds coté 59J dont vous pouvez retrouver l’inventaire complet en ligne est extrêmement précieux pour la recherche historique sur la Résistance dans le Calvados et en vue de transmettre son héritage. Il est composé d'archives papier, iconographiques, audiovisuelles (notamment de témoignages de résistants) et même d'objets.
Bibliographie
- Neveu Cédric, «Jacques Vico », in Association Résistance et Mémoire, La Résistance dans le Calvados, cédérom éd. AERI, 2004
- Fournier Gérard (Dir.), Jacques Vico, chantre et exceptionnel passeur de mémoire, Condé-sur-Noireau, 2014, éditions Corlet, 126 p. BH/8/16817
- Vico Jacques, "Jeunes résistants normands", dans Bédarida François (dir.), Normandie 44 : du débarquement à la Libération, Actes du colloque organisé par l'Institut d'Histoire du Temps Présent à l'Université de Caen en 1984, Paris, éd. Albin Michel, 1987, 320p. BH/8/6819 et BH/8/13340
- Vico Jacques, Quellien Jean, Massacres en Normandie : les fusillés de la prison de Caen, Condé-sur-Noireau, Ed. Corlet, 1994, 234 p. BH/8/13372 et BH/8/8393
- Vico Jacques, "Les résistants, la poursuite de la guerre et l'après-guerre" dans Le Roc'h-Morgère Louis (dir.), De la fin des camps à la Reconstruction : les normands 1945-1947, Actes du colloque organisée par les Archives du Calvados à Caen le 24 et 25 mars 1995, Conseil général du Calvados, Direction des Archives du Calvados, 2001, 367 p. BH/4/2727 et BH/4/5511
- Témoignage en vidéo de Jacques Vico et hommage au moment de son décès sur le site des Amis de la Fondation de la Résistance
- Entretien avec Jacques Vico en 2011 à l'occasion du cinquantenaire du Concours National de la Résistance et de la Déportation
- Témoignage de Jacques Vico sur le site Paroles de résistants normands
Sources d'archives
Archives du Calvados
- Fonds Jacques Vico 59J
- Témoignage de Jacques Vico recueilli le mardi 02 novembre 1993, 2AV/26
- Témoignage de Jacques Vico recueilli le mardi 23 novembre 1993, 2AV/28
- Dossier de demande de carte du combattant volontaire de la résistance, 1101W/226.
Service historique de la Défense
- Vincennes : dossier individuel de résistant, GR 16P 592690