John Hopper
1912-1991
Alias Albert Charles Couteret
Né en Angleterre le 25 mai 1912, John Hopper vit en France depuis l’âge de douze ans. Son nom est francisé en Jean.
Sa mère Harriet Craig, dont le nom est également francisé en Henriette, est issue de la bourgeoisie anglaise (son grand-père portait le titre de « Sir »). Elle avait épousé, en 1909, le lad des écuries de la demeure de son enfance : John Charles Hopper, le père de John Hopper.
La désapprobation de la famille Craig devant cette union vécue comme une déchéance pour la famille conduisit à leur départ pour la France. Le lad qui dilapida l’argent dans l’alcool trouva un emploi chez l’anglais Hopson, propriétaire du château et des écuries de Varaville. Il perdit cependant son aptitude à travailler du fait d’un accident d'auto à son travail.




C’est dans ce contexte familial que John Hopper vécu son adolescence. L’attachement de sa mère à une éducation de qualité la fit faire inscrire son fils à l’internat du Lycée Malherbe de Caen.
A l‘âge de 21 ans, John Hopper est employé chez Achille Leguillou, chimiste à Varaville en qualité de voyageur à la commission. Les liens entre les Hopper et les Leguillou sont profonds. Ainsi, les premiers demeuraient chez Madeleine Leguillou, couturière à Mouen en 1940. Et c’est ainsi que John Hopper noua une relation avec Paulette Leguillou qui était de la même génération que lui (elle est née le 4 mars 1913 à Varaville).
S’ensuit leur mariage lors duquel Paulette Hopper décide de conserver sa nationalité française. Elle résidait à Fresnay-le-Puceux puis à Mouen depuis mai 1937 à son départ pour le camp de la Motte-Beuvron le 20 novembre 1940. Elle fut libérée une fois sa qualité de ressortissante française prouvée. Paulette et John Hopper eurent ensemble deux enfants.


En 1940, John Hopper tient un commerce de postes de radio et de matériel électrique rue de Geôle à Caen qu’il cesse d’exploiter après l’invasion allemande.
Il est particulièrement complexe de définir le résistant que fut John Hopper. Il apparaît probable qu’il appartenait à l’Intelligence Service mais aucune preuve matérielle ne l’atteste formellement. Ce qu’il est possible d’attester, c’est le fait qu’il débute extrêmement tôt ses premières actions de résistance.
Dès l’automne 1940, il constitue ainsi autour de lui un groupe composé pour l’essentiel de membres du mouvement Armée des Volontaires. Parmi eux figurent des habitants de Caen dont l’opticien Paul Zaessinger, Marcel Bidault, Roger Lacour et Roger Mouchel et des habitants de Villerville tels le cafetier Louis Maussant, l’instituteur Joseph Blanchard et le curé du lieu, l’abbé Daligault.
John Hopper pu constituer ce groupe notamment du fait de sa mobilité acquise par l'extension de son permis de conduire en cette année 1940.

« La bande à Hopper » comme la surnomment alors ses détracteurs s’illustre par une série de vols et de cambriolages (vêtements, machines à écrire, automobiles …) mais la police et la presse n’assimilent pas alors à des actes de résistance ces actions. C’est donc par des coups d’éclat retentissants que John Hopper va se signaler. Le premier qu’on lui prête est d’avoir, vêtu d’un uniforme britannique, déposé une gerbe au monument aux morts de Caen le 11 novembre 1940, ce qu’il aurait réitéré le 14 juillet suivant.
En mai 1941, il prend la tête d’un commando avec lequel il réalise le sabotage d’une trentaine de motos de la Wehrmacht entreposées dans un garage à Caen. La police le prend en chasse mais Hopper échappe à l’arrestation à plusieurs reprises, fin juillet et début août.
En effet, le 29 juillet 1941, John Hopper se débarrasse de l’inspecteur Besnard. Ce dernier ayant interpellé Hopper en compagnie de Mouchel au volant de sa voiture, une traction avant, prend place dans des circonstances floues dans le véhicule avec les deux hommes vraisemblablement pour les mener au poste en vue d’un contrôle d’identité. En chemin, Hopper lui tire une balle dans la tête et une autre dans l’abdomen puis abandonne le corps chemin des Coutures. Mais l’inspecteur Besnard survit ayant été hospitalisé à temps. Son témoignage permettra peu après, l’arrestation de Mouchel qu’il avait reconnu.
Le 1er août 1941, John Hopper échappe à une souricière tendue autour de l’une de ses planques dans un garage rue du Gaillon à Caen et parvient à se sauver à vélo après avoir abattu d’une balle dans le ventre le chef de la sûreté, l’inspecteur Morin, qui décèdera le lendemain (voir à ce propos l'article du journal Ouest-Eclair du 5 août 1941 disponible sur Gallica). Dans le garage furent retrouvés des bicyclettes, des vêtements civils et militaires, des armes, les pneus des motos de la Wehrmacht dérobés en mai ainsi qu’une traction avant volée, encore maculée du sang de Besnard. Quatre jours plus tard, il échappe de nouveau à la police rue du Pont-Créon.
La tête d’Hopper est mise à prix via une affiche placardée dans toute la région. Il disparaît alors du Calvados en compagnie de sa femme Paulette pour trouver refuge à Paris auprès des dirigeants de l’Armée des Volontaires.
En revanche, Mouchel, Maussant et l’abbé Daligault sont arrêtés en août 1941, ainsi que Germain et Madeleine Thomas, beau-frère et belle-sœur d’Hopper, coupables de l’avoir hébergé à leur domicile, à Livry. Blanchard, quant à lui, quitte précipitamment Villerville, tandis que Maussant, qui avait été remis en liberté, en profite pour partir. Cependant, ce-dernier est repris en février 1942. Blanchard est capturé à Paris le mois suivant et Paul Zaessinger appréhendé dans son magasin au mois de mai.
Le 8 mai 1942, victime d’un traître, John Hopper est surpris par la police allemande dans un café près des Halles. Une fusillade a lieu au cours de laquelle il est légèrement atteint au bras. Son épouse Paulette est grièvement blessée. Il décide alors de l’achever avant de prendre la fuite.
Hopper, revenu momentanément à Caen en juillet 1942, s’y illustre par un dernier exploit en commettant un hold-up mémorable. Il s’en prend à la banque du Crédit industriel de Normandie et en sort 1 800 000 francs ! Il destine cette somme à soutenir financièrement l’Armée des Volontaires. Mais une semaine plus tard, le 24 juillet 1942, il est arrêté à Paris.
La police française procéda à son arrestation à la station de métro de la Porte d’Orléans. Les circonstances de celle-ci détonnent quelque peu avec les exploits réalisés précédemment. De fait, Hopper tentait de récupérer sa sacoche oubliée peu avant dans une rame et dans laquelle un employé avait découvert armes et documents compromettants. La « bande à Hopper » était désormais totalement démantelée.
Tous les membres du groupe, à l’exception de John Hopper furent transférés en Allemagne en vertu de la procédure Nacht und Nebel. La majorité d’entre eux fut jugée par le tribunal du peuple de Trèves, en novembre 1943, et condamnée à mort ou à l’internement en camp de concentration. Aucun ne parvint à survivre. Hopper est quant à lui déporté à Mathausen puis Natzweiler et Dachau où il sera libéré par les Alliés en 1945.
Après une longue période d’oubli, deux journalistes du quotidien Ouest-France retrouvèrent sa trace en 1966 dans le cadre de l'incarcération de Renée Huyskens. John Hopper menait alors une vie paisible en Angleterre où il s’était reconverti et était devenu producteur de champignons (voir Ouest-France, édition de Caen, 5- 6 novembre 1966 disponible aux Archives du Calvados). Les silences et le peu d'aveux de John Hopper y apparaissent troublants. Le lieu même de l'entretien avec les journalistes est par exemple
tenu secret. Il emporta ses secrets lors de son décès 1991 sans les avoir tous livrés.
Bibliographie
- Quellien Jean, «John Hopper», in Association Résistance et Mémoire, La Résistance dans le Calvados, cédérom éd. AERI, 2004
- DORRIERE Christian, Cinq ans d’enfer et cinquante de purgatoire, Blainville-sur-Orne, 1995-1996 : tome 1: Jean Daligault, une page de la Résistance à Caen 1940-1945 , 160 p. (AD14, BH/4/5008/1) ; tome 2: ‘’Un groupe de résistance en formation contre l’armée d’occupation allemande, placé sous l’influence de l’anglais Hopper’’, 112 p. (AD14, BH/4/5008/2); tome 3: La déportation des membres de la ‘’bande’’ à Hopper, 160 p. (AD14, BH/4/5008/3)
- LEVAVASSEUR Henri, Les Mystères de Caen 1940-1944, Affaires Hopper – Brière – Résistance – Marché noir, éd. Imprimerie régionale, Caen, 1946, 59 p., voir notamment « Hopper … opère », p. 46-47, AD14, BH/BR/2764
- Biographie de Paulette Hopper dans le Maitron
Sources d'archives
Archives du Calvados
- Dossier sur la famille Hopper (1929-1941) élaboré par le Cabinet du Préfet du Calvados, 2600W/1
- Dossiers de renseignements sur les étrangers dans le Calvados dont un dossier sur la famille Hopper, M/14117 (ce dossier comporte notamment des copies des pièces originales présentes dans celui coté 2600W/1)
- Affiche du 10 septembre 1941 indiquant une récompense de 10 000 francs pour renseigner sur les autorités en vue d'arrêter Jean Hopper, 726W/59
- Rapport mensuel du Préfet du Calvados du 28 août 1941 mentionnant la tentative de meurtre du Chef de la Sûreté de Caen par "le bandit Hoppers", 9W/30/1
- Rapport mensuel du Préfet du Calvados en date du 3 novembre 1941, 19W/2
- Rapport du Commandant de la Compagnie du Calvados de gendarmerie en date du 27 août 1942 mentionnant l'arrestation d'Hopper, 9W/38/2/1
- Article du journal Ouest-France sur la rencontre de John Hopper faite par les journalistes Bernard Gourbin et Alain Le Berre, édition de Caen, 5-6 novembre 1966, 13T/1/176/1/174
- Témoignage audiovisuel de Jeanne Ferres recueilli le 13 juin 1995, 2AV/116