Le "sport féminin"
Il n'y a pas à proprement parler de "sport féminin" mais plutôt des femmes qui font du sport. Or, systématiquement, on rapporte de nombreux sports au genre de celles qui les pratiques. On dit "basket féminin", "foot féminin" alors qu'il ne vient pas à l'esprit de dire "basket masculin" ou "foot masculin". L'explication est historique car ce sont les hommes qui ont inventés et en premier pratiqués ces sports. Il faut ainsi attendre le 30 septembre 1917 pour que se dispute le premier match de football féminin en France tandis que le premier match masculin remonte aux années 1860. (Lire Combeau-Mari E., Sport et presse en France (XIX-XXe siècles), Paris, éd. Le Publieur, 2007, 431 p., AD14, BH/8/12918)
C'est aux Jeux Olympiques de Paris de 1900 (alors appelés « Concours internationaux physiques et de sports ») que les premières femmes sont présentes. Elles sont alors 22 femmes pour 975 hommes tandis qu'en 2016, elles sont plus de 4700 soit 45% des participants. L'éducation physique dès le plus jeune âge est recommandée pour les jeunes filles comme pour les garçons. Cependant, au début du XXème siècle, il ne s'agit pas à proprement parler d'un loisir, plutôt d'une pratique nécessaire de santé publique.
Il faut attendre 1912 pour qu'apparaisse en France la première fédération sportive féminine, l'Union française des sociétés de gymnastique féminine. A Deauville, en 1913, est organisé un "concours international de gymnastique féminine". Si la Première Guerre mondiale permet aux femmes d'accéder à des emplois autrefois réservés aux hommes, il en va de même pour les loisirs auxquels elles accèdent dont les sports. En 1917, Alice Milliat fonde ainsi la Fédération des Sociétés Sportives Féminines de France. Ell vint même à Caen, le 9 novembre 1922 pour la création de la section locale de la Fédération des sociétés féminines sportives de France comme en atteste le Journal de Caen du 15 novembre 1922.
La pratique du sport reste néanmoins à cette époque réservée aux femmes les plus aisées.
Les membres de la Société de Gymnastique de Caen réalisent des prouesses. La caennaise Elise Constant bat même le record de France de saut en hauteur en 1920 et n'est qu'à 3 centimères du record du monde à seulement 15 ans et demi !
Et progressivement, de plus en plus de femmes pratiquent des sports collectifs permettant la constitution d'équipes. En 1920, les caennaises sont même championnes de France de basket !
Néanmoins, les équipes restent peu nombreuses. L'équipe de l'Union Sportive Normande créée en 1935 en même temps que la section masculine doit ainsi s'interrompre 2 ans.
Si dans les années 1950, l'image de la ménagère est toujours cultivée, elle est progressivement remise en cause. Les exploits sportifs permettent notamment cela en démontrant que de nombreux préjugés sont infondés. Arlette Ben Hamo, née le 22 mars 1930 à Saint-Martin de Fontenay devient championne d'Europe de Pentathlon en 1950 manifestant ainsi sa polyvalence. Ce type de performance lui permet également de devenir un modèle pour les jeunes générations. Les femmes conquièrent petit à petit le droit de pratiquer tous les sports. La femme active et sportive apparaît désormais comme un nouvel idéal.
La seconde moitié du 20e siècle voit ainsi de plus en plus de femmes pratiquer régulièrement une activité sportive. En 1967, 25% des françaises sont licenciées dans un club sportif tandis qu'en 1994, ells sont 64% ! (Lire Terret T. (dir.), Sport et genre, 19e - 20e siècles, vol. 1, "La conquête d'une citadelle masculine", Paris éd. L'Harmattan, 2005, 388 p.) C'est d'ailleurs en 1994 qu'a lieu le premier congrès international des femmes et du sport. Il réunit 280 délégués de 82 pays et produit la Déclaration de Brighton sur les femmes et le sport. Cette déclaration, suivie dix ans plus tard de celle d'Helsinki, contient les principes qui régissent les mesures visant à augmenter la participation des femmes à tous les niveaux, à tous les postes et dans tous les rôles dans le mouvement sportif.
Des exemples de succès populaires traduisent le développement de la pratique du sport par les femmes. A Caen, l'événement caritatif La Rochambelle créé en 2002 et est réservé aux femmes. Elles étaient 800 lors de la première course-marche avant de devenir une "vague rose" de 25 000 femmes dix ans plus tard ! C’est aussi un hommage aux Rochambelles, ces ambulancières rattachées à la célèbre deuxième Division Blindée du Général Leclerc à la libération de la France en 1944. Ces femmes engagées et courageuses ont débarqué en Normandie, pour participer à la reconquête de l’Europe.
La professionnalisation
L'un des éléments récents de la pratique féminine du sport est sa professionnalisation. Quelques exemples locaux méritent d'être étudiés. A Mondeville, les joueuses des clubs de tennis de table et de basket ont même joué au plus haut niveau européen pendant plusieurs années. L'USO Mondeville Basket, club créé en 1971, se hissait ainsi dès 1995 au plus haut niveau féminin pour y rester pendant plus de 20 ans. Parvenu à ce niveau avec une équipe de joueuses issues du club, il fait ensuite appelle à des joueuses professionnelles notamment étrangères. Il est plus tard également reconnu comme l'un des meilleurs centre de formation féminin de France. Il s'agit ainsi de former des femmes à devenir joueuses professionnelles de basket.
Marine Johannès, star du basket français, signa ainsi son premier contrat professionnel à Mondeville quelques années après avoir intégré ce centre de formation. La native de Lisieux qui joue désormais dans les meilleurs clubs et est une joueuse phare de l'équipe de France a débuté le basket à Pont-l'Evêque. Parmi les personnalités emblématiques du basket calvadosien passées par Mondeville, il y a également Carole Delauné-David. La numéro 6 sur le poster ci-dessus lorsqu'elle était à l'USOM, rejoignit par la suite le club du CB Ifs. Elle devint arbitre internationale et officia en 2012 dans le tournoi féminin des Jeux Olympiques de Londres. Elle était également la seule femme à arbitrer des hommes au plus haut niveau français lorsque sa collègue Chantal Julien s'est arrêtée.
L'indépendance de la section féminine vis à vis de celle des garçons est parfois choisie. Le club de l'Ovalie Caennaise, créé en mai 2003, par les ex-pensionnaires de la section féminine du Caen Rugby Club est un exemple. Au sein du CRC, les caennaises ont glané 3 titres de championnes de France de première division en 1999, 2000 et 2002. Souhaitant être davantage reconnues, les joueuses cadres ont fait le choix de créer un nouveau club dédié uniquement au rugby féminin, dans un but de promotion et de développement. L'Ovalie Caennaise évolue au plus haut niveau du championnat de France de 1ère division : finaliste en 2004, 2005 et 2007 et emi-finaliste en 2006, 2008, 2009, 2013 et 2014. Après une saison 2016-2017 compliquée, l’équipe première du club est descendue dans la division inférieure : élite 2. Elle oscille depuis entre la première et la deuxième division. De nombreuses internationales françaises ont marqué le club caennais telles Estelle Sartini, Odile Autret-Sorel, Stéphanie Provost, Danièle Irazu, Nadège Labbey, Sandra Rabier, Annaëlle Deshayes et Julie Duval.
Si être une femme et vivre du sport qu'on pratique semble aujourd'hui normal, il faut bien mesurer à quel point cela était inconcevable au début du 20e siècle. Les sportives de haut niveau proposent ainsi des modèles inspirants pour les générations nouvelles qui aspirent à des défis toujours plus importants. On peut ainsi penser à la nageuse de l'Entente Nautique Caennaise Marion Joffle par exemple. En 2020, Charlotte Cagigos est même gardienne de l'équipe professionnelle masculine du Hockey Club de Caen. D'autres exploits manifestent également l'ouverture du sport à toutes. Ainsi, Michelle Guillais (1921-2019), nageuse caennaise, devint championne du monde de sa catégorie d'âge à 91 ans et battu pendant sa vie plusieurs records du monde !