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Le journal de bord du navire Le Prince Saxen-Teschen, 1784
Le journal de bord du navire Prince Saxen-Teschen, a été rédigé par le capitaine honfleurais Jean-Pierre Barabé, lors d'une expédition négrière en 1784. Un "Memorial de nottes diverses" joint à la fin du journal regroupe le "Livre des factures" et des remarques sur la traite en Afrique. Ce sont des archives exceptionnelles pour comprendre la traite négrière et le déroulement d'une expédition.
L'expédition du Prince Saxen Teschen
C'est grâce à un article rédigé par l'historien Paul Maneuvrier-Hervieu dans les Annales de Normandie que nous connaissons mieux l'histoire de cette expédition jusqu'alors peu documentée. Il semble que le navire Prince Saxen Teschen soit parti d'Ostende en 1783, qu'il ait fait une escale à Lisbonne en février 1783 avant de poursuivre son expédition pour faire la traite sur les côtes du Sénégal puis de Haute-Guinée pendant environ 10 mois.
Il quitte "La Mine pour l'Amérique", c'est-à-dire le comptoir de Saint-George-la-Mine sur la Côte d'Or, le 1er mars 1784. La traversée de l'Atlantique paraît assez longue, environ 3 mois.
Ce journal constitué de 44 pages ne relate que la dernière phase de l'expédition, celle qui va du large des côtes de l'ïle de Saint-Domingue jusqu'à son entrée à Port-au-Prince le 23 juin 1784.
Un instrument de navigation, témoin de la violence de la traversée
Ce journal est avant tout un instrument de navigation dans lequel le capitaine consigne des indications nautiques comme les caps, les vents, le temps,... Au milieu de ces informations, il mentionne par une croix chaque décès d'esclaves, et ses causes.
Selon l'historien Paul Maneuvrier-Hervieu, 47 esclaves meurent lors de la dernière partie de l'expédition entre le 16 mai et le 23 juin de "dissolution scorbutique", "de constipation inflammatoire",... Cette mortalité importante peut s'expliquer par un temps de traversée assez long, un manque de vivres ou une épidémie. Elle révèle les souffrances endurées par les esclaves lors du "passage" de l'Atlantique.


Le livre des factures
Ce Livre des factures ajouté à la fin du journal de bord permet de dresser la liste des marchandises embarquées dans les cales du navire ainsi que leur valeur et leurs provenances.
Les notes et remarques sur la traite
La richesse de ce document réside aussi dans les informations que nous donne le capitaine sur le déroulement de la traite.
- Les objectifs de l'expédition sont indiqués dans le Livre des factures : "faire la traite de 300 à 350 nègres, le long de la côte d'Or".
- Le capitaine indique le nombre de jours passés dans les différents lieux qu'il fréquente sur les côtes africaines et il livre des détails sur la façon dont la traite négrière se déroule au Cap Saint André ou encore au Cap Lahou, tous deux situés en Côte d'Ivoire aujourd'hui.
Prix d'un esclave
Nous apprenons que dans la rivière Saint André, la traite est assez chère. Le capitaine détaille toutes les marchandises que contiennent "un paquet", c'est à dire tout ce qui va être donné en échange d'un esclave.
Le Cap Lahou
Le Cap Lahou est le meilleur espace de la Côte pour les "vivres des nègres" : "nous y aurions trouvé tous les jours une chaloupe de bananes, du maillis, du poisson en abondance que les nègres apportent." Selon lui la traite semble assez facile. Il note que "nous y avons fait 44 captifs".
Pour aller plus loin :
Afin de découvrir toute l'histoire du navire Le Prince Saxen-Teschen, et le travail d'enquête mené par l'historien pour remonter le fil de cette expédition, vous pouvez consulter l'article de Paul Maneuvrier-Hervieu : "Entre Honfleur et les Antilles : les journaux de bord de la traite des esclaves", in Annales de Normandie, n°68, 2018, p.113-137
Le capitaine honfleurais Armand Lacoudrais dont nous retraçons l'expédition sur le navire La Seine, a également laissé des journaux de bord intéressants.
Rédigés entre 1773 et 1783, ils sont conservés aux Archives nationales. Des extraits numérisés peuvent être consultés en ligne en suivant ce lien.