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Etude du document F/2544 - Pétition des femmes du Tiers-Etat au roi

Pendant la Révolution française, quelques femmes du Tiers-Etat purent s'exprimer en envoyant des pétitions comme par exemple La Pétition des femmes du Tiers-Etat au roi, datée du 10 janvier 1789.
Dans ce texte très modéré, les femmes demandent au roi d'entendre leur voix :
"Sire, Dans un temps où les différents Ordres de l'Etat sont occupés de leurs intérets, où chacun cherche à faire valoir ses titres et ses droits; où les uns se tourmentent pour rappeller les siècles de la servitude et de l'anarchie; où les autres s'efforcent de secouer les derniers chainons qui les attachent encore à un impérieux reste de féodalité, les femmes, objets continuels de l'admiration et du mépris des hommes; les femmes, dans cette commune agitation, ne pourroient-elles pas aussi faire entendre leur voix ? "
Elles adressent au roi leurs plaintes et confient leur misère. Elles dressent ainsi un tableau de la condition des femmes dans la société du 18e siècle :
"Les femmes du Tiers-Etat naissent presque toutes sans fortune; leur éducation est très négligée ou très vicieuse : elle consiste à les envoyer à l'école, chez un Maître qui, lui-même, ne sait pas le premier mot de la langue qu'il enseigne; elles continuent d'y aller jusqu'à ce qu'elles sachent lire l'Office de la Messe en français, et les Vêpres en latin.[...] Si la nature leur a refusé la beauté, elles épousent, sans dot, de malheureux artisans; végètent péniblement dans le fond des provinces, et donnent la vie à des enfants qu'elles sont hors d'état d'élever. Si, au contraire, elles naissent jolies, sans culture, sans principes, sans idée de morale, elles deviennent la proie du premier séducteur, font une première faute, viennent à paris ensevelir leur honte, finissent par l'y perdre entièrement et meurent victimes du libertinage."
Elles expliquent aussi, qu'au sein même de la famille, elle ont une place inférieure à celle des garçons :

" Plusieurs aussi, par la seule raison qu'elles naissent filles, sont dédaignées de leurs parents, qui refusent de les établir pour réunir leur fortune sur la tête d'un fils qu'ils destinent à perpétuer leur nom dans la Capitale; car il est bon que Votre Majesté sache que nous avons aussi des noms à conserver; ou si la vieillesse les surprend filles, elle la passent dans les larmes et se voient l'objet des mépris de leurs plus proches parents."
Pour remédier à ces maux, ces femmes demandent au roi que les hommes ne puissent exercer les métiers qui sont l'apanage des femmes :
"nous demandons que les hommes ne puissent, sous aucun prétexte, exercer les métiers qui sont l'apanage des femmes, soit couturière, brodeuse, marchande de modes, &c., &c.; que l'on nous laisse au moins l'aiguille et le fuseau, nous nous engageons à ne jamais manier le compas ni l'équerre" Enfin, qu'on "nous fournisse les moyens de faire valoir les talents dont la nature nous aura pourvues, malgré les entraves que l'on ne cesse de mettre à notre éducation."
Les personnes qui ont écrit cette pétition posent ainsi la question des inégalités entre les hommes et les femmes dans la société française du 18e siècle.
Elles revendiquent l'accès au travail et à l'éducation car c'est par l'instruction et la rémunération de leur travail qu'elles espèrent sortir de la misère et gagner leur liberté : "Nous demandons à être éclairées, à posséder des emplois, non pour usurper l'autorité des hommes, mais pour en être plus estimées; pour que nous ayons des moyens de vivre à l'abri de l'infortune [...]"