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Récits de révoltes

Les révoltes à bord des navires négriers n'ont qu'exceptionnellement laissé des traces écrites. Nous relatons sur cette page quelques exemples préservés aux Archives du Calvados, dans la série 2II : les fonds de l'amirauté d'Honfleur.  

Les archives nous montrent que les révoltes éclatent le plus souvent sur les côtes africaines, rarement en mer et aux îles d'Amérique. Les captifs se rebellent quand le navire est à la traite, près des côtes et qu'il y a encore un espoir de retrouver leur liberté. 

  • Les captifs se déferrent et essayent de monter sur le pont. Ils utilisent pour se défendre les armes qu'ils ont sous la main : outils du tonnelier, buches, morceaux de bois,...
  • Face aux captifs rebelles, l'équipage est armé d'épées, de sabres mais aussi d'armes à feu : fusils, pistolets, canons,...
  • Dans les exemples que nous conservons les captifs ne parviennent pas à s'échapper ni à s'emparer du navire. Ils sont rapidement réprimés par l'équipage.
  • La répression est violente, toutefois elle se concentre sur le ou les meneurs de la révolte, qui sont punis de coups de fouet ou fusillés en exemple afin d'imposer le calme aux survivants. Même en cas de révolte, tout est fait pour préserver la cargaison d'esclaves car la rentabilité de l'expédition repose sur leur vente en Amérique.

Récit d'une révolte d'esclave sur le navire La Flore

 Voici le récit d'une révolte d'esclaves à bord du navire La Flore, en rade de l’île à Perroquet, rivière du Gabon, en Afrique, le 17 décembre 1787.  

Procès verbal déposé par le sieur Giffard, capitaine du navire La Flore d'Honfleur, à l'Amirauté du Cap à Saint-Domingue. Récit d'une révolte d'esclaves sur le rivages de l'Afrique. AD14, 2ii/468

Procès verbal déposé par le sieur Giffard, capitaine du navire La Flore d'Honfleur, à l'Amirauté du Cap à Saint-Domingue. Récit d'une révolte d'esclaves sur le rivages de l'Afrique. AD14, 2ii/468

Transcription de ce récit : 

  

                          Extrait des minutes déposées au greffe de l’amirauté du Cap 

21 juin 1788

P. V. déposé par 

Le sieur Giffard 

Capitaine du navire 

La Flore d’Honfleur 

Nous capitaine officier major et marinier du navire la Flore d’Honfleur, armateur Prémord et fils négociant dudit lieu, certifions que ce jourd’hui dix-sept décembre 1787 étant en rade de l’île à Perroquet rivière de Gabon en Afrique et y faisant la traite des noirs cuire morphil et bois de tintures, pendant l’heure du déjeuner les captifs ont forcé les écoutilles devant s’étant déferrés tous dans la nuit qui a été affreuse par la pluie et le vent et pendant que l’on s’employait à sauver le navire ils ont prémédité leurs coups ont forcé la porte de la rambarde et entrée derrière armée de pagages qu’ils ont lancés sur l’équipage qui se reployait derrière se jettait dans le capotin de la chambre en criant révoltes et en ont frappé trois qui sont les nommés Desjardins, second charpentier, Dupont et Messier, novices ces deux derniers suivant le rapport du chirurgien ont été blessés mortellement. Sur le champ nous avons armé l’équipage de sabres, fusils et pistolets et sommes montés sur le pont les captifs fuyant devant nous pour fermer  se rendre maître de la rambarde ou étant dessus et les voyant en avant parties armés de couteaux buches et outils du tonnelier qu’ils avaient attrapés. Pour faire finir cette sédition nous avons tiré un des canons de notre rambarde qui en a frappé deux dont un debout devant, en est tombé à la mer et a coulé de suite et l’autre une balle lui a passé dans la cuisse un troisième a eu le bras écorché sur le champ tous les captifs se sont jetés le long du bord les uns en avant sur les câbles les autres sous les portes haubans et sur les ch… se tenant le long du bord. Pour lors M. Plet ? commandant le navire Labrac adabrac ayant eu connaissance de cette révolte à armé son canot commandé par son chirurgien avec six hommes blancs de son équipage qui le sabre à la main et des pistolets ont fait le tour du navire fait remonter et rembarquer nos nègres et couru ensuite après cinq qui s’enfuyaient à la nage, ils les ont ramenés et à mesure qu’ils rentraient à bord nous les avons fait remonter et enferrés… et …… et amenotés ainsi deux à deux. 

Mais pour connaître les chefs de la révolte nous avons fait donner cinquante coups de fouet à ceux qui nous ont paru les plus coupables. Le tout paraissant apaisé nous les avons comptés exactement plusieurs fois et avons trouvé qu’il ne nous manquait qu’un très bel homme et que les captifs hommes qui avaient reçu une balle dans la cuisse et celui qui avait le bras écorché tous trois dont le premier a été tué et tombé à la mer appartiennent tous à la cargaison de La Jeune Sophie, capitaine Morin […]

Récit d'un chantage pour libérer un esclave 

Le capitaine Giffard est ensuite confronté à une situation de chantage afin de libérer un captif embarqué dans le navire La flore.   

Récit d'un chantage pour libérer un esclave, à bord du navire La Flore, 1788, AD14 2ii/468

Transcription de ce récit : 

21 juin 1788

Procès verbal déposé par

le Sieur Giffard

Capitaine du navire La 

Flore d’Honfleur

Extrait des minutes déposées au greffe de l’amirauté du Cap

Nous capitaine officier major et marinier du navire La Flore d’Honfleur, armateur M. Prémord et fils négociant dudit lieu, certifions qu’étant sur notre départ du Gabon et y faisant la traite des Noirs, cuirs, morphil, et bois de teintures et réglant toutes nos affaires nous avons envoyé pour son dernier voyage notre chaloupe faire quelques barriques d’eau chez le nommé « Singe » avec les nommés Chardeny tonnelier et Gasseye, matelot, et trois nègres chaloupiers de Fétiche Pointe qui nous avaient été laissés par Mandafery

Sitôt leur arrivée et qu’ils eurent mis pied à terre et commencé à faire leur eau le nommé Miller, gouverneur de l’île à Roy vint à eux accompagné de quarante à cinquante hommes armés de fusils, pistolets et sagayes, leur dit qu’il voulait qu’ils le suivent et se sont emparés malgré eux par la force de la chaloupe. Après quoi les a conduit avec escorte à l’île à Roy chez lui où sitôt arrivé il a déshabillé les deux blancs nus et les a fait mettre aux fers et aux menottes et nous a envoyé deux des trois nègres chaloupiers dans une petite pirogue, gardant le troisième, pour nous apprendre qu’ils avaient payé notre chaloupe et que si on la revoulait il demandait son fils mis en otage pour paquet d’homme pour compte (du navire) « La Jeune Sophie » qui l’avait reçu de Mr. Herblin à son départ et versé avec ses autres captifs à bord de La Flore et outre cela, quatre paquets. 

A ce récit notre surprise fut très grande puisqu’au lieu de devoir à Miller il était encore redevable à la cargaison de «  l’Alexandre » et à celle de « La Flore » dont il avait reçu les avances. Fort embarrassé sur la veille d’un départ nous fîmes prier M. Plet capitaine du navire « Abrac adabrac » d’envoyer son canot savoir le vrai bout de tout ce palabre. Il le fit de suite et ne put revenir que le lendemain, nous dire qu’il ne demandait que son fils qui était otage à bord. Nous le mîmes de suite à bord de M. Plet et il renvoya son canot leur apprendre que remettant la chaloupe et les blancs il leur donnerait son fils. Mais les gueux non contents de cela ont toujours persisté et ont demandé quatre paquets et en outre un chapeau bordé et un pavillon. Voyant que de plus en plus les choses allaient plus mal, nous prîmes tous d’avis commun le parti, pour avoir notre chaloupe et équipage duquel nous avions un grand besoin puisque de ce temps il ne nous restait qu’un matelot et deux officiers bien portants de lui envoyer vivement ce qu’il demandait, ce que nous avons fait de suite par le bateau du capitaine Plet, 

comme suit,

à savoir : 

12 chaudrons, 12 bassins , 32 barres de fer, 32 barres de cuivre, 64 brasses marchandises, 4 pagnes Bénin, 4 coffres, 8 draps, 4 sayettes, 4 dragonnes 4 fusils, 4 pistolets, 4 sabres, 4 chapeaux, 4 bonnets, 8 mouchoirs, 12 barils de poudre, 12 barils d’eau de vie, 12 corails, 4 plats de faïences, 4 assiettes, 4 canettes, 4 moqs, 4 cuillers, 4 fourchettes, 4 tabatières, 32 couteaux, 4 saumons de plomb, 4 ciseaux, 4 rasoirs, 4 limes, 4 miroirs, 8 finettes, 18 grelots, 8 pierres à fusils, 4 perruques, 4 manilles, 32 pipes, 4 plats d’étain, 4 peignes, 4 cadenas, 4 cannes

De plus, il a voulu un chapeau bordé et un pavillon.

Et quatre coups de canons pour signal au départ desdites marchandises du bord pour finir le palabre ils ont détenu malgré tout cela les nègres chaloupiers et nous ont renvoyé notre chaloupe que le lendemain ce qui nous a retardé de 7 jours et empêché de profiter de la nouvelle lune pour nous rendre à Fétiche Pointe. N’ayant pu partir de la dite rivière que le 19 janvier cette palabre nous a retardé de 15 jours ce dont nous assurons n’être nullement de notre faute et ne rien devoir à Miller, qu’au contraire il est dû à notre cargaison les avances à lui donné de 800 buches de bois rouges et que c’est sans aucune raison que ces gueux ont arrêté notre chaloupe et maltraité l’équipage. Ce dont ci-dessus nous avons dressé le présent procès-verbal pour valoir servir et avoir recours sur qu’il appartiendra.  Fait triple à bord du navire La Flore le 20 février 1788, signé à la minute : Giffard, Duhamel, Le Comte, et Bellamy. 

[…]

Récit d'une révolte et de sa répression sur le navire négrier "L' Auguste" en 1790. 

"L'Auguste" commandé par le capitaine Thouarn, est un petit navire de 54 tonneaux et de 12 hommes d'équipage. Il est parti d'Honfleur en février 1790 avec des cales remplies de marchandises pour faire la traite des noirs sur les côtes d'Afrique. En juillet 1790, il quitte l'Afrique pour se rendre à la Martinique, mais contrarié par les vents et le mauvais temps c'est dans le port des Cayes sur l'île de Saint-Domingue qu'il accoste en octobre 1790.  A l'arrivée aux Cayes "sa cargaison consiste en la quantité de 97 têtes de Noirs des deux sexes et de différents âges". 

Le capitaine raconte les contrariétés liées aux vents et au mauvais temps ainsi qu'une révolte d'esclaves et la manière dont elle a été réprimée.  

Trajet et récit de révolte à bord du navire négrier honfleurais L'Auguste" en 1790, AD14, 2II/478.

Extrait d'un récit de révolte à bord du navire négrier honfleurais L'Auguste" en 1790, AD14, 2II/478 :

 "Etant mouillé à la côte les Noirs qu'il avait à son bord se seraient déferrés étant dans l'entrepont. Deux d'entre eux ayant voulu monter sur le pont armés de morceaux de bois il n'aurait été possible de les réduire que par la violence, qu'un des deux de ces nègres aurait été maltraité de coups de sabre ce qui aurait apaisé lesdits nègres pour le moment. Que quatre jours après étant en mer lesdits noirs ayant voulu se mutiner de nouveau le capitaine après avoir pris l'avis de ses équipages aurait hissé le nègre blessé qui était pour lors sans espoir de guérison au bout de la vergue de misaine et l'aurait fait fusiller pour en imposer aux autres noirs." 

Pour aller plus loin :

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