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Colbert Marie (1926-1944)
Le destin tragique de Colbert Marie

Colbert Marie, assassiné à 17 ans par la Gestapo, est la plus jeune victime du massacre de la maison d'arrêt de Caen.
Il est ami avec les frères Boutrois, qui sont résistants au sein du groupe Front National des cheminots de la gare de Caen, et pratique avec eux la boxe. Il est arrêté le même jour qu'eux, le 15 mai 1944, lors d'un coup de filet visant les résistants communistes du quartier de Vaucelles. La rafle est pilotée par Serge Fortier, auxiliaire français de la Gestapo, qui les connaît.
Colbert est torturé et incarcéré à la maison d'arrêt, où il sera sommairement exécuté le 6 juin 1944 pour éviter qu'il ne soit libéré avec ses camarades d'infortune par les Alliés.
Colbert était apprenti boucher en 1944. Il faisait partie d'une grande famille de neuf enfants, dont une petite soeur décédée à un an, et venait de se fiancer avec Gisèle, dite Gigi. C'était un jeune homme gai, pratiquant l'accordéon.
Il semble qu'il n'ait pas lui-même fait partie de la résistance, ce qui de toute façon était probablement de peu d'importance pour la Gestapo et ses complices. Pour les nazis, il suffisait qu'il ait fréquenté les "mauvaises" personnes au "mauvais" moment.
Colbert Marie a été reconnu interné politique, et déclaré "mort pour la France" le 5 juin 1947.
Un document exceptionnel écrit avec son sang
Incarcéré à la maison d'arrêt de Caen, Colbert parvient à faire passer un message à ses proches en écrivant avec son sang sur un mouchoir (6J/91), qui est transmis à sa famille avec le service du linge.
Le message, déchirant, met en cause Serge Fortier et exprime son affection à sa famille et à sa fiancée, Gisèle. Colbert l'écrit quelques jours avant d'être lâchement assassiné par les nazis, le matin du 6 juin 1944.
Le document sera produit lors du procès des complices français de la gestapo de Caen en 1946 (991W/70). Il deviendra un élément important de la mémoire du massacre du 6 juin 1944 à la maison d'arrêt.
Le texte complet du mouchoir
"Maman, je [suis] arrêté comme étant communiste par Fortier. Va le voir, explique lui que je suis innocent, car j'ai reçu des coups de nerf de bœuf. S'il n'y avait pas Gisèle, je ne serais plus vivant. Dis à Roger de dire bonjour à tout le monde et à Kléber de venir avec l'allemande de Littry et à Sobry de dire à Raymond de parler pour moi. Mille baisers Maman, Papa, Yolande et aux amis. A petite Gigi, attends-moi. "A bientôt". Je suis innocent."
"Gigi" est la fiancée de Colbert Marie. L'Allemande de Littry est une connaissance de la mère de Colbert Marie, que la famille a essayé de faire intervenir, en vain. Kléber est le frère immédiatement plus âgé que Colbert, et Yolande est sa plus jeune soeur.
La mémoire familiale du drame et le don aux Archives du Calvados

Le 6 juin 2023, à l'issue des commémorations à la maison d'arrêt de Caen, les neveux et nièces de Colbert Marie, se sont rendus aux Archives pour remettre le mouchoir qu'ils avaient conservé pendant 80 ans (6J/91).

En 2024, Mme Catherine Marie-Germain, nièce de Colbert, et son fils aîné se sont rendus aux Archives pour compléter ce don par un ensemble de documents restés dans leur famille, dont les lettres de Gisèle à Colbert (6J/107-6J/108).
Mme Marie-Germain a enregistré son récit, témoignant de l'engagement de sa famille pour la transmission de cette mémoire (7AV/41).
L'ensemble des documents peut être retrouvé ici.

La famille de Colbert est restée fidèle à son souvenir, et n'a jamais abandonné l'espoir de retrouver son corps.
Aimé (dernier petit garçon à droite) a planté dans son jardin de Cormelles-le-Royal un rosier dont les fleurs portent le nom de son frère supplicié.
Le don aux Archives s'inscrit dans ce devoir de mémoire perpétué depuis 1944.