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Le massacre de la Maison d'arrêt de Caen, 6 juin 1944
Les faits : un crime nazi visant la Résistance
Le 6 juin 1944 au matin, puis dans l'après-midi du même jour, la Gestapo assassine au moins 73 prisonniers de la maison d'arrêt de Caen, en réaction à l'annonce du Débarquement.
La plupart ont été arrêtés pour faits de résistance dans les mois précédents par la Gestapo ou ses auxiliaires français : la "bande à Hervé" de sinistre mémoire. Les nazis veulent empêcher qu'ils ne soient libérés par les Alliés.
Les victimes sont exécutées et enterrées à la hâte dans les courettes intérieures de la prison.
Les corps sont ensuite déplacés le 30 juin, juste avant la libération de Caen, et n'ont jamais pu être retrouvés.
Les victimes
La liste complète est difficile à établir, la Gestapo ayant détruit les registres d'écrou. Les nazis visent les résistants incarcés dans le quartier allemand de la prison.
On trouve parmi eux :
- Le directeur de l'école des Beaux-Arts Robert Douin, Guy de Saint-Pol et Georges Thomine, membres du réseau Alliance (arrêtés le 17 mars 1944).
- Antoine de Touchet, membre du réseau Alliance (arrêté le 28 avril)
- Serge Dumont, membre du groupe FTP Guillaume le Conquérant (arrêté le 4 mai)
- Michel et Achille Boutrois, membres du groupe Front National de la gare de Caen, arrêtés le 15 mai avec Colbert Marie, la plus jeune victime du massacre. Emile Boutrois, qui a réussi à s'échapper, mourra sur le front en 1945. D'autres victimes sont arrêtés le même jour, comme Désiré Renouf ou Louis Renouf (sans lien de parenté).
- Roger Veillat, et les agents de la Préfecture Roland Postel et Yves Le Goff, membres du réseau Arc-en-Ciel (arrêtés le 23 mai). Paulette Leconte-Héron, qui fait partie du même groupe, échappe à l'arrestation, mais son père Louis Leconte fait partie des victimes.
- Henri Lair et son fils Alexis Lair, membres du groupe OCM de Montchamp (arrêtés le 23 mai)
- le docteur Paul Derrien, son assistante Andrée Vayssier, l'abbé Bousso, Louis Lechevalier et d'autres membres du groupe de résistance d'Argences (arrêté.e.s le 2 juin)
La plus jeune victime, Colbert Marie, n'avait que 17 ans. Sa famille a gardé de lui un mouchoir écrit avec son sang peu avant sa mort, donné aux Archives du Calvados en 2023 (6J/91).
Les rescapés
Bernard Duval, arrêté le 10 mars, a été déporté le 30 mai avec son ami Bernard Boulot. Ils échappent paradoxalement au massacre du fait de leur déportation.
Marcel Barjaud en réchappe également par miracle le jour même, grâce à une erreur sur son nom. Avec Jacques Collard et un autre miraculé, André Lebrun, il sera un des témoins importants de l'enquête après-guerre. En tout, une vingtaine de prisonniers sont épargnés, sans que l'on sache pourquoi, et transférés vers la prison de Fresnes à partir du 7 juin. Parmi eux, on citera Auguste Denis, arrêté le 6 mai, ou encore André Jean et son père Victor, maire de Sainte-Croix-Grand-Tonne.
Les coupables et l'enquête après la Libération

Les Archives du Calvados ont retrouvé dans les années 2020 le premier dossier d'enquête, confié au Commissariat de Caen le 17 juillet 1944 (3348W/1). L'enquête est donc lancée dès la libération de la rive gauche de la ville le 9 juillet. Elle sera cependant longue et difficile, qu'il s'agisse de l'identification des coupables, des victimes, ou de la recherche des corps.
La cour de justice du Calvados juge en 1946 les membres de la bande à Hervé, complices des crimes de la Gestapo (991W/70). Trois membres de la bande sont fusillés le 9 mai 1946 : Serge Fortier, Daniel Collard et Bernard Desloges. Marie-Clotilde Combiens est jugée séparément : condamnée à mort, sa peine est commuée en détention à perpétuité.
Leur ancien chef, Raoul Hervé, est en fuite. Retrouvé en région parisienne, il est jugé en 1956 par le tribunal permanent des forces armées à Rennes. Il est condamné à la perpetuité mais sa peine est commuée et il finira ses jours libre.
Un autre procès se tient en 1952 devant le tribunal militaire de Paris, malheureusement sans le responsable principal. En effet, le chef de la Gestapo de Caen, Harald Heyns, dit "Bernard", s'est évadé en 1948 d'une prison de Hambourg. Condamné à mort par contumace, il ne sera jamais retrouvé, de même que Herbert von Bertholdi, dit "Albert".
Les archives et la mémoire du massacre
Les documents relatifs au massacre du 6 juin 1944 conservés aux Archives du Calvados peuvent être retrouvés ici.
Cette liste est régulièrement mise à jour.
Elle concerne des dons privés, des témoignages oraux ou des ensembles d'archives publiques, soit directement liés au massacre, soit l'évoquant.
Sélection d'archives essentielles
Dons privés
- Marcel Barjaud, don 2021, 6J/59
- Les frères Michel, Achille et Emile Boutrois, don 2022. 6J/68
- Paul Derrien, don 2022, 6J/87
- Serge Dumont, don 2022, 6J/70
- Bernard Duval, don 2024, 6J/96 et 6J/97
- Colbert Marie, don 2023-2024, 6J/91, 6J/107, 6J/108
- Louis Renouf, don 2024. 6J/114
Les Archives du Calvados remercient les donateurs privés pour leur démarche généreuse, et Gérard Fournier et l'association Mémoires de la Résistance et de la Déportation normandes pour son appui dans cette entreprise de collecte si importante.
Archives publiques
- Rapport du surveillant chef de la maison d'arrêt faisant état du massacre après le départ de l'Occupant, le jour-même du 6 juin (1166W/34)
- Rapport établi à l'attention du sous-préfet de Bayeux en zone libérée le 28 juin (726W/112).
- Enquête du commissariat de Caen déclenchée le 17 juillet 1944 (3348W/1)
- Dossier de la cour de justice de Caen pour le procès de la bande à Hervé, 1946 (991W/70).
- Dossier de la cour de justice de Caen pour le procès de Marie-Clotilde de Combiens, complice de la bande à Hervé, 1946 (991W/74)
- Dossier du tribunal militaire de Paris pour le procès de la Gestapo, 1952. Archives de la Justice Militaire, DACJM, Le Blanc, dossier TMP Paris 10/07/1952, jugement 948. Version numérique consultable en salle de lecture des Archives du Calvados, sous la cote 3425w/1
- Dossier du tribunal militaire de Rennes pour le procès de Raoul Hervé, 1956. Archives nationales, 5W/1071. Version numérique partielle consultable en salle de lecture des Archives du Calvados, sous la cote 3425W/2.
- Recherches du Service des Crimes de guerre ennemis (SRCGE). Archives nationales, 19880016/3/2. Version numérique consultable en salle de lecture des Archives du Calvados, sous la cote 3425W/3.
- Enquête sur le lieu de sépulture par le commissaire Delarue, 1986, copie du dossier original conservé à l'ONaCVG du Calvados (1J/88/2) et version numérique du dossier en 3425W/4.
- Des dossiers individuels des victimes peuvent également être retrouvés à la DAVCC (Service Historique de la Défense)
Les familles des victimes du massacre ont maintenu le souvenir du martyr de leurs proches par le biais d'une cérémonie spécifique chaque année sur les lieux, et par la recherche soutenue des corps.
Plusieurs enquêtes et recherches ont eu lieu :
- Enquête du commissaire Jacques Delarue mandaté par le ministère de la Défense et des Anciens Combattants (1986)
- Recherches archéologiques en 2023.
Elles n'ont rien donné à ce jour. En effet, les témoins sont peu nombreux. Les responsables nazis ont fui. Les prisonniers requis pour l'opération qui ont survécu, deux prisonniers de droit commun venant de la prison d'Alençon, n'ont pu donner aucun élément précis.
Exposition
Une exposition sur les martyrs de la Résistance en Normandie, réalisée par l'Association Mémoire de la Résistance normande, peut être empruntée aux Archives du Calvados.
Le président de l'association, Gérard Fournier, perpétue le souvenir et la recherche des corps pour le compte des familles.
Lire aussi l'ouvrage de Jean Quellien et Jacques Vico, Massacres nazis en Normandie, les fusillés de la prison de Caen, éd. Charles Corlet, 1994.