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Le Calvados industriel
Le Calvados, département à forte identité agricole, va être profondément bouleversé par les mutations du 19e siècle. Comme partout ailleurs, la révolution industrielle modifie les paysages, les systèmes de production et les rapports sociaux. L’ouverture vers la mer et le développement de lignes de chemin de fer vers Paris amplifient les transformations en attirant de grandes industries qui choisissent ce territoire pour s’implanter. Beaucoup de ruraux quittent les campagnes pour s’installer en ville et trouver du travail. Les premières cités ouvrières voient le jour à Dives-sur-Mer, Potigny et sur le Plateau de la Société métallurgique de Normandie, près de Caen.
Cette présentation est réalisée en lien avec l’exposition du Musée des Beaux-Arts de Caen Les villes ardentes, art, travail révolte 1870-1914.
L'industrie textile
Le filage et le tissage sont des activités traditionnelles dans le Calvados, pratiqués de façon individuelle à domicile, en campagne, et le plus souvent par des femmes en alternance avec les travaux des champs. Cette forme de travail individuel tend à disparaître progressivement au cours du 19e siècle au profit d’ateliers industriels qui s’installent le long des cours d’eau et qui regroupent autour du bâtiment de tissage des ateliers de filature, de teinturerie, de foulonnerie, d’apprêt et de blanchiment, ainsi que des logements ouvriers. Elle fait naître les premiers centres industriels départementaux importants à Lisieux et Orbec autour de l’activité linière et lainière, à Vire et Condé-sur-Noireau pour l’activité cotonnière tandis que Falaise tire sa renommée de la bonneterie et constitue alors l’industrie dominante de la région. Malgré des efforts de mécanisation, elles ne parviennent toutefois pas à dépasser un marché local et amorcent leur déclin dès la seconde moitié du 19e siècle face à la concurrence des centres de production du Nord et de la France et de l’Angleterre. Les filatures ne sont que partiellement remplacées par des ateliers d’effilochage, qui utilisent des chiffons pour récupérer les fibres destinées au tissage de draps grossiers.
Dans les Archives du Calvados :
Nouvacq/1981-Nouvacq/1992 - Maison Pigeon et André, fabricants de dentelle à Caen, 1782-1800.
12J - Fonds du Pont des Vers Tissage, société anonyme
F/7437/2 - Entreprise de fabrication de dentelle, vers 1870.
F/6414 - Ecole technique d'enseignement de la dentelle, 1905-1933.
Nouvacq/712 - Alexandre Marie Drouet, fabricant de dentelles à Bayeux, 1811.
F/6046-F/6047 - Papiers de Quétel, fabriquant de dentelles, 1816-1828.
Les mines de charbon de Littry

En 1741, un affleurement houiller est découvert par hasard entre Saint-Lô, Bayeux et Isigny.
En 1744, Jacques-Claude de la Cour, marquis de Balleroy, obtient de Louis XV un périmètre d'exploitation de 1920 kilomètres carrés. Trois ans plus tard, une Compagnie parisienne des mines de Littry est créée pour prendre la suite du marquis. Fondée pour l'occasion, elle est la première société française créée pour l'exploitation de mines, quelques mois avant celle d'Anzin. Toujours en quête d’innovations, elle devient vers 1800 la première société minière à se doter d'une machine à vapeur pour remonter le charbon, en remplacement des machines à molette hippomobiles. La société tente également de s'ériger en entreprise modèle vis-à-vis de ses ouvriers et suit la voie d'une forme de paternalisme avec la création d'une caisse mutuelle dès 1792, d'une chapelle des mineurs en 1804 et de deux écoles gratuites en 1810. Elle frappe également des jetons-monnaie en cuivre (les « sols de Littry ») pour le comptage des jours travaillés et les gratifications. Un deuxième bassin d'exploitation est ouvert en 1845. Cette prospérité marque également le bourg de la mine : Littry devient un centre important au croisement d'un réseau routier et ferroviaire. L'entreprise connaît son apogée au milieu du 19e siècle. Elle extrait environ 50 000 tonnes de charbon par an et emploie alors près de 950 personnes, y compris des enfants. En 1853, 76 enfants de moins de 16 ans travaillent ainsi pour la compagnie, tant en surface que dans le fond. La houille extraite, de qualité moyenne, ne permet pas à la compagnie de faire face à la concurrence des mines britanniques, belges et du nord de la France. La société est dissoute en 1879, ses puits sont fermés et noyés l'année suivante.
Le port de Caen

Les travaux de percement du canal de Caen à la mer qui s’achèvent en 1857 et ses perfectionnements successifs permettent un nouvel essor économique et industriel. Désormais affranchies du système des marées et capables d’accueillir des navires de gros tonnage, les installations portuaires voient s’établir le long des quais des entreprises majeures.
L'exploitation du fer et la Société Métallurgique de Normandie
La première exploitation moderne du fer est concédée à Saint-Rémy en 1875 au profit de la Société des mines de Saint-Rémy..
La Société des mines de Soumont ouvre en 1909 et fixe son personnel en construisant de nombreux logements sur la commune de Potigny qui accueillent les premières vagues de travailleurs d’origine étrangère.
L’Allemand August Thyssen acquiert en 1907 les concessions minières de Soumont et, en 1908, 230 hectares entre l'Orne et canal. Il créée en 1910 avec le Français Louis le Chatelier la Société des hauts fourneaux et aciéries de Caen qui devient en 1916 la Société normande de métallurgie puis en en 1924 la Société métallurgique de Normandie. La SMN maîtrise toute la chaîne de production de l’acier, depuis l'acheminement du minerai jusqu'à l'exportation des produits fini par le port. Modèle parfait d'entreprise paternaliste, elle fait construite une importante cité ouvrière sur le plateau de Mondeville et Colombelles avec ses écoles, ses commerces, ses structures sportives, culturelles et même religieuses.
Les mutations industrielles de l'après-guerre
La reconstruction favorise un développement économique basée sur l'industrie, accompagné de combats sociaux comme en mai 68, ou lors de la lutte de Caron-Ozanne en 1975.
L'indutrie textile, décimée par la concurrence du nord de la France, puis internationale, se reconvertit dans le tissage de l'amiante à Condé-sur-Noireau sous l'impulsion de Jules Germain. La découverte de la dangerosité de la fibre déclenche une terrible crise sanitaire et morale dans la région.
La fermeture de la SMN (1993) puis des usines Moulinex de Cormelles-le-Royal, Falaise et Bayeux (2001) signent la fin des trente glorieuses et la nécessaire reconversion industrielle du département. L'industrie agro-alimentaire reste une activité forte du département tout en se transformant pour s'adapter aux nouveaux marchés internationaux comme aux nouveaux défis environnementaux.
Pour aller plus loin
Bibliographie
- L'industrialisation dans le Calvados à travers deux exemples : Courseulles et Colombelles, Caen, Archives départementales du Calvados, 2004, BH/BR/23269.
- La révolution agro-industrielle dans le canton de Livarot XIXe-XXe siècles, Caen, archives départementales du Calvados, 1997, 14T/13/135.
- La Femme en Normandie, acte du XIXe congrès des Sociétés historiques et archéologiques de Normandie, Caen, Archives départementales du Calvados, 1986, BH/8/17559.
- "Mines et carrières", in Mémoires de territoires, Le canton de Thury-Harcourt, Caen, Département du Calvados, 2018.
- Pierre Coftier, L'éveil d'un monde ouvrier, 1789-1919 : Calvados : j'entends l'alouette qui chante, Cabourg, Cahiers du temps, 1997, BH/8/9972.
- Pierre Coftier, Mineurs de charbon en Normandie : XVIIIe-XXe siècles, Cabourg, Cahiers du temps, 2006, BH/4/3364.
- Yannick Lecherbonnier, Patrimoine industriel du Calvados, pays d’Auge, Inventaire général du patrimoine culturel, Lieux dits, 2013.
- Alain Leménorel, La SMN, une forteresse ouvrière, 1910-1993, Cabourg, Cahiers du temps, 2005, BH/4/3247.
- Louis Le Roc’h Morgère (dir.), Les Mondes souterrains, histoire de l’exploitation du sous-sol du Calvados, Caen, Archives départementales du Calvados, Caen, 2003, BH/8/11937.
- Benjamin Perez, Potigny au siècle des mineurs, Cabourg, Cahiers du Temps, 2010, BH/8/19968.
- Véronique Piantino, Gérard Prokop, Mémoires du Plateau, une cité ouvrière aux portes de Caen, Cabourg, Cahiers du Temps, coll. Du cœur à l’ouvrage, 2016, BH/8/18043.